
La vidéo pour écrire
Faire un atelier d’écriture non pas avec un stylo et du papier mais avec des vidéos publiées sur Youtube ? C’est ce que j’ai essayé de faire pour répondre à un atelier d’écriture en ligne de François Bon dont le thème était Construire une ville avec des mots.
Je ne savais pas trop quoi faire, à part que je voulais absolument rester simple. Un atelier d’écriture, où l’idée à la base est d’essayer, de rechercher d’autres chemins, de se jeter à l’eau, me semblait l’occasion d’expérimenter. Et finalement j’ai fait 28 vidéos, de 28 exercices (sur 45), dûment regroupées dans une « playlist » sur Youtube.
Je m’étais donné les règles suivantes : aucun écrit support, aucun montage, durée de la vidéo 5 minutes.
Aucun écrit support ?… Oui : je voulais faire autre chose que de l’écrit papier, alors à quoi cela aurait-il servi de faire de la vidéo si c’était pour commencer part de l’écriture ? Et même, je ne voulais rien d’enregistré sur un support au cours du processus, à part la vidéo finale.
Je partais des quelques mots donnés dans le résumé de l’atelier. Par exemple : « Et si on regardait ce qu’il y a dans le dos du narrateur ? » Quelques idées arrivaient dans ma tête. Je faisais un premier tournage à partir de ça. Je regardais le résultat. En général mauvais bien sûr. Alors je l’effaçais. Je recommençais, en essayant de changer ou de mettre en œuvre les nouvelles idées qui m’étaient venues. Puis je re-regardais, et ainsi de suite.
Souvent, si mon environnement de tournage était bruyant ou trop lumineux, le petit écran de mauvaise qualité de mon appareil photo ne me permettait pas de bien évaluer la vidéo que je venais de tourner. Dans ce cas, je la gardais pour la voir de retour chez moi. C’était ma seule concession à quelque chose de matériellement mémorisé au cours du processus.
Donc, d’une certaine façon, j’appliquais le principe des répétitions du théâtre, mais en ne notant ce qu’il fallait retenir que par mon élan et mon envie. J’obtenais ainsi une sorte de téléphone arabe à moi tout seul.
Globalement je trouve que la piste est bonne et que, justement, elle se rapproche d’une pratique théâtrale, principale raison pour laquelle j’ai l’intention de continuer.
Aucun montage ?… Là, c’est parce que j’ai peur que le montage soit un monde infini, et ce n’est pas lui que je voudrais aborder. J’ai assez de mondes infinis comme ça.
Cinq minutes ?… Ce n’est pas toujours super intéressant ce que je raconte, et faire cinq minutes inintéressantes d’un seul trait (un « rush » ? ) à moi tout seul c’est déjà pas mal je trouve.
Tout cela fait une pratique d’invention qui engage corps et esprit bien plus que le système stylo-papier je trouve. Mais c’est beaucoup plus difficile. Déjà, je cherche un nouveau lieu à chaque fois. Je n’y suis pas obligé mais, pour des raisons inconnues, c’est ce que je fais. C’était la gare, l’ascenseur urbain de Saint-Étienne, un coin de forêt, un banc public, un bar, ou… chez moi. Si cela avait été toujours le même lieu, certainement que ça aurait été plus facile.
Mais, d’un autre coté, j’ai trouvé plein de trucs que j’espère reproduire plus tard. Comme parler de façon intimiste dans un café bruyant ; se mêler aux allées et venues d’un ascenseur urbain ; parler aux nuages, parler en courant, parler en regardant le sol, parler dans une vitrine de boutique, parler en fuyant, parler depuis un banc public… Maintenant, décoller du cadre de l’atelier d’écriture, peut-être décoller de Youtube, continuer les vidéos simples de cinq minutes, peut-être faire un peu de préparation écrite ?
Pour l’instant, je n’ai repris qu’une de ces idées : parler en regardant le sol. Voir, par exemple, Zone centre ville à Saint-Étienne ; pas sûr que ça reste dans les annales cinématographiques. Dans le même style, Zone centre-ville rénovation urbaine année 1970 à Saint-Étienne a l’air mieux : il y a au moins un semblant d’histoire – je fais des progrès, bientôt la chevauchée fantastique traversera mes vidéos.
Ça vient de l’exercice Lancer de ballon. Je trouve 1) que c’est assez facile techniquement à mettre en place, 2) que ça donne un bel élan d’improvisation, 3) que la terre est pleine de richesses, 4) que c’est un beau symbole pour rêver que de regarder le sol et non le ciel, 5) qu’on a par la caméra l’impression de voler, 6) que la perspective sort du style « tableau de la Renaissance », 7), 8), 9), 10), 11)… Et même je le reprends ensuite par l’écriture, qui apporte encore d’autres découvertes, voir sur le Fantastique Dictionnaire Catégorie:Un renversement Koltes !
Le défilé de l’image provoque des inférences. On se dit sans cesse (il me semble) : qu’est-ce que c’était ? où cela allait-il ? à quoi cela ressemblait ? Toutes choses détournées, effacées par la voix, qui passe son temps à fermer des portes, elle se moque du monde. Tout ça serait difficile à reproduire par l’écrit, pour moi.
Et je découvre aussi qu’il existe un micro-milieu de la littérature vidéos sur Youtube, tout un milieu qui fait de l’écriture souvent de façon expérimentale mais suivie, comme dans un atelier ! C’est un milieu où le nombre d’abonnés par chaîne plafonne à 10 000, mais plus souvent à 10. (moi, 40 hé ! hé ! ). C’est très encourageant, parce que les réseaux sociaux sont, comme d’habitude, décevants. Au début, sur facebook, je soulevais l’enthousiasme de mes amis, et du coup j’arrivais à… 100 vues, mais… quelques temps après… ça retombait à quelque chose… du genre… 5 vues. Pourtant, aucun de ces « amis » si enthousiastes au début ne m’avaient dit que c’était moins bien… que ça ne l’intéressait plus… et je préfère ne pas faire de commentaires.
Je vais voir si le milieu réel des youtubeurs et youtubeuses concrets et concrètes est plus intéressant. Déjà, eux au moins, ils font quelque chose : de la vidéo. À suivre !
La vidéo que j’ai le mieux réussie je pense (9 vues ce jour, ah… Youtube, quel succès ! )
Je ne l’avais pas regardée la 9. Je la découvre. Tu dis qu’elle est plus réussie que les autres,… parce qu’il y a un peu plus une histoire? C’est vrai qu’elle est bien, mais j’aimais aussi celles sans histoires, avec juste ton étonnement, tes espiègleries.
Oui, c’est vrai, j’accorde beaucoup d’importance à la faculté de raconter des histoires ou, du moins, d’être dans une histoire. Après c’est vrai que d’être « seulement » dans l’étonnement c’est aussi pas rien, ou quelque chose, je veux dire. C’est vrai que ce sont des tendances qui m’ont traversé pendant que je faisais cet atelier et dont j’ai très peu parlé dans l’article. Mais elles continuent de me suivre dans le redémarrage que je fais en ce moment de la pratique vidéo. Merci de me le redire, peut-être le sujet d’un nouvel article !