Monstre aux Martyrs de Vingré
Vu que j’ai des lecteurs jusqu’au Brésil, je précise tout de suite que la rue des Martyrs de Vingré est une rue de Saint-Étienne assez passante. Je m’y installe parfois avec mon petit théâtre ambulant en soirée.
En ce moment l’un des contes que l’on me demande le plus est La poupée monstre, qui se trouve dans Le livre des mères, de Marceline Desbordes-Valmore.
– C’est une petite fille, qui s’appelle Agnès
– Aaaaaaaaa Aaaaaaaaaaa Aaaaaaaaaaaaahhh… hurle une jeune femme, style jeune étudiante sympa, dans les quelques personnes formant mon public. AAAAAAAAAAh… Monsieur, justement, je m’appelle Agnès, moi aussi !
Je découvre Agnès quasiment en transe.
(dans le conte original la petite fille s’appelle Inès, mais ce prénom me parait impossible à exprimer au milieu des fêtards, alors va pour Agnès)…
– Comment avez-vous fait, monsieur ? Votre histoire est merveilleuse, merci ! Que d’émotions, merci ! Je vais bien vous payer, vous êtes excellent !
Elle met quelques pièces dans la boite de conserve qui me sert de chapeau.
– Mais je n’ai pas terminé, madame.
– Oh oui, continuez, continuez, mais doucement, je vous prie !
– Donc Agnès reçoit une splendide poupée avec des cheveux d’or, une bouche bien rouge et très souriante, et elle est si transportée que quelques fois, dans les moments les plus intenses, elle lui chuchote qu’elle est sa maman.
– Bravo ! Bravo (clap clap clap) Bravo monsieur ! Quelle belle histoire ! Comme c’est beau ! Au revoir, vraiment quel plaisir, tant de beauté ici à Saint-Étienne, quel choc…
– Mais je n’ai toujours pas terminé madame !
Vu qu’ils me payaient à chaque « fin », je pouvais quasi acheter la rue des Martyrs de Vingré à un moment.

Mon panneau pour annoncer la poupée monstre, de venu illisible avec l’usage et les transports
Une fois deux petites filles me demandèrent cette histoire.
– Est ce qu’il ne fait pas trop peur ce conte monsieur ?
Je le leur racontais.
– Monsieur, et moi, est-ce que je peux vous raconter une histoire ?
– Oui.
– Alors c’est l’histoire de la poupée qui tue. Au magasin la dame a dit qu’il fallait bien ranger sa poupée sinon à minuit la poupée se réveille et elle va tuer la petite fille mais la petite fille a oublié de la ranger alors à minuit la poupée s’est mise debout et elle tue la petite fille qui fait arg ! et voilà c’est fini.
– Merci, très bien.
– Et moi aussi monsieur j’ai une histoire alors c’est la poupée serpent si on la range pas dit la madame au magasin alors elle se transforme en serpent à minuit et la petite fille fait arg ! et voilà c’est fini.
Et voilà, c’est fini.