Le viol
Lui :
Allez donc, arrête de raisonner. Sois tendre et couche-toi là. J’ai envie de toi, tu es assez belle, que veux-tu. Ça ne s’explique pas. C’est sincère. Tu veux bien, de toutes façons, alors… On se connaît bien, toi et moi : tu n’as pas à avoir d’inquiétudes. Je ne vais pas te brutaliser. Je vais rendre honneur à ta beauté. C’est comme ça que tu dois voir les choses. Fais ce que je te dis, et ne crie pas. Ou plutôt, si : crie.
Elle :
Non, je ne veux pas. Ça ne me plaît pas. Je voudrais être ailleurs. Tu veux toujours la même chose. Tu me dégoûtes. Ça me dégoûte. Et ce n’est pas en me regardant comme ça que tu obtiendras quelque chose de moi, je ne veux pas. Va-t-en, ne me touche pas. Tu n’es pas digne, tu es lourd. Tu n’es pas gentil, tu es gluant. Tu n’es pas maladroit, tu es vicieux. Tu me salis. Tu es lourd, tu es gluant, tu es vicieux. Regarde ailleurs, ne me regarde pas, soit loin de moi, je ne veux pas. Tu es lourd, tu es gluant, tu es vicieux. À chaque fois que tu me fais ça je suis dégoûtée. Je ne veux pas, je ne veux plus.
Lui :
Mais qui te demande quelque chose, que dis-tu ?… C’est toi qui m’invites. Est-ce moi qui met du rouge à lèvres ? Tu m’insultes. Nous sommes amis, nous sommes voisins, tu me souris en société, tu m’insultes en privé. Devrais-je avoir honte de te trouver appétissante ? Ne me force pas à des actes qui me déplairaient autant qu’à toi, je le regretterais. Tu le regretterais. Mais console-toi : ta colère, ta rage, ta résistance, gonflent tes formes et magnifient ta beauté.
Elle :
Rien, tu n’es qu’un fumeux. Moi, une poupée gonflable ? Ah mais tu n’es qu’un courant d’air, tu n’agites que les rideaux ! Ne me touche pas, ne me touche pas, ne me touche pas. Et si ma colère, si mon corps, te brouillent les idées, va te faire pétrifier dans les déserts de glace, car tu n’es que salaud ! Salaud ! Vieux pourri ! Ne bouge plus, ne bouge plus, ne t’approche pas, sois tétanisé. Sois transformé en statue que je te pisse dessus, comme si j’étais une chienne. Quoi ? Tu rigoles ? Môssieur se prend à nouveau comme le paon du voisinage ?… il glousse. Ah, mais je partirai de cette société de basse-cour, j’irai pisser même sur la statue de Jaurès, je casserai tout ce que je vois. Disparais ! Ne me touche pas, ne me touche pas, ne me touche pas.
Elle s’enfuit.